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Après quelques secondes de stupeur, les butineurs se mirent à taper frénétiquement sur leur écran. Shui déclara un peu paniquée :
– Nous avons dégringolé à 1 km de profondeur.
Ce fut le coup d’envoi d’une grande cacophonie. Chacun annonça les catastrophes qui s’étalaient sur son écran : plusieurs antennes et passerelles extérieures arrachées, système de refroidissement passif très endommagé, présence de nombreux débris rocheux sur la coque…
La capitaine tonna :
– Assez !
Immédiatement, le silence revint. Elle déclara :
– La plateforme ne s’est pas retournée sur nous. Nous pouvons nous en estimer heureux. Nous respirons encore, donc tout va bien.
Hoarau se tourna vers Yagis :
– Devons-nous craindre un nouveau glissement de terrain ?
– Non… Je pense que non. L’avancée rocheuse contre laquelle on a atterri semble, si j’ose, aussi solide qu’un roc.
Quelques sourires accueillirent la saillie, mais la capitaine resta de marbre. Elle se tourna vers Aphéa l’interrogeant du regard. La jeune femme s’empressa d’annoncer :
– Les systèmes d’air et de chauffage sont intacts. Aucune fissure n’est à déclarer. Nous ne mourrons donc pas dans l’heure. J’ai besoin de plus de temps pour une estimation complète des dégâts.
– Bien. Allez-y. Salonne vous secondera depuis la salle d’urgence. Mineurs, décrochez le système d’amarrage. Pilotes, préparez un itinéraire de sortie. Yagis, vérifiez que la manœuvre de désamorçage ne provoque pas une nouvelle catastrophe et assistez les pilotes. J’autorise les médecins à quitter leur siège pour s’occuper des blessés.
La capitaine vit une ombre de culpabilité passer dans le regard du géologue. Il avait proposé de s’installer sur la plateforme. Il se disait sans doute que c’était une erreur fatale. Mais il avait tort. Hoarau était convaincue que cela avait été le meilleur choix. Autrement ils seraient descendus plus bas et la plateforme leur serait tombée dessus. Hoarau en frissonna d’horreur. De plus, elle avait pris la décision de s’amarrer sur ce caillou. C’était à elle d’en porter la responsabilité. Elle lui en toucherait quelques mots. Mais plus tard. Elle et son équipe ne devaient pas se dissiper. Les prochaines décisions allaient sceller leur sort. L’intuition de la capitaine lui soufflait que la chute avait causé une grosse panne. Le bruit des doigts qui tapotaient, les visages concentrés éclairés par la lumière des écrans, les brèves paroles échangées étaient le calme avant la tempête. Hoarau se demanda sous quelle forme la menace s’incarnerait-elle. Serait-elle surmontable ? La capitaine balaya ce doute. Il n’y avait pas de problème sans solution. S’appuyer sur l’avis de ses experts, se fier à son instinct, être le roc face à la menace, telle était la formule qui lui avait permis d’amener son équipage toujours plus loin.
Chan parla :
– Je n’arrive pas à nous détacher de la roche. La chute a vrillé l’amarre.
La capitaine réagit :
– Quelles solutions avons-nous ?
– La plus efficace serait de placer une charge explosive sur l’attache, mais…
Yagis l’interrompit débitant d’une voix rapide :
– Mais toute explosion provoquerait à coup sûr une nouvelle avalanche.
Chan reprit :
– Oui. L’autre solution est de détacher manuellement l’amarre. Mais cette opération dure environ 4 heures et il faut bien sûr compter 25 minutes pour préparer une équipe à sortir.
Ses vêtements littéralement trempés de sueur, l’astronome rebondit :
– Au… Aucune éruption solaire n’est prévue. Les sorties sur la coque sont donc po… possibles.
Le géologue intervint :
– La rétrogradation commence dans quelques minutes. Le soleil sera sur notre position dans 4 heures et 3 minutes.
La capitaine demanda à Aphéa :
– Quel est l’état du système de refroidissement ?
– Les composants passifs ne sont qu’à 20 % de leur efficacité. La chute de pierres a endommagé les miroirs et ces derniers sont partiellement recouverts par des débris. Comme le système de refroidissement actif ne peut tenir sans son complément passif, nous ne pouvons survivre qu’à 40 minutes d’exposition. Nous pourrions peut-être améliorer la situation en remplaçant quelques panneaux et en déblayant les débris. Mais ainsi nous ne récupérerions qu’une dizaine de minutes supplémentaires.
Shui dit d’une voie dépitée :
– Il nous faut au moins cinquante minutes pour sortir du cratère et nous placer dans une zone non ensoleillée.
La capitaine lança :
– Autrement dit le temps de nous détacher, le soleil sera sur nous depuis presque une demi-heure, alors qu’il faudrait que nous soyons partis avant qu’il nous touche.
De mornes hochements de tête lui répondirent. Elle jeta un regard à Ulan, qui secoua mollement du chef. Il n’avait toujours pas réussi à entrer en contact avec la Centrale.
Hoarau ne montrait rien, mais elle bouillonnait de frustration. Ils leur manquaient si peu pour s’en sortir. Le temps lui apparut comme un énorme rouage tournant lentement, mais inexorablement. Il s’approchait et allait bientôt broyer la Butineuse. Comme pour défier la capitaine, une alarme retentit dans la salle de commande. La rétrogradation avait commencé. Le crépuscule devenait aube. Hoarau se trompait. Ce n’était pas la roue du temps qui s’avançait vers eux, mais le front incandescent du jour.
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