Mercure (9/10)

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Le compte à rebours annonçait 44 minutes lorsqu’une soudaine clarté vint caresser Aphéa. Les rayons du soleil avaient atteint le sommet du cratère. À mesure que l’astre s’élèverait, son feu descendrait vers le véhicule. Mais la jeune femme ne s’en inquiéta pas. Dans un peu plus d’un quart d’heure, elle aurait fini. Cinq minutes d’avance ! La jeune femme se gorgeait d’orgueil. Bientôt, elle aurait sauvé son équipage avec en plus le panache de battre le record absolu des AEV. Briller auprès des siens n’avait jamais été sa motivation première, mais qui ne se délecterait pas d’être reconnue comme la meilleure du système solaire ?

Soudain, la voix d’Hoarau emplit le casque d’Aphéa.

– Le réacteur va exploser dans moins de 5 minutes.

Aphéa se figea. La capitaine poursuivit.

– Je vous envoie un emplacement où vous abriter dans la coque. Cela réduira vos chances de moitié de…

La capitaine ne finit pas sa phrase. Mais les mots « mourir instantanément » flottèrent entre les deux femmes. Aphéa ne demanda pas jusqu’où s’élevaient ses chances. Sur son casque, les outils d’assistance furent balayés par un plan qui montrait où s’abriter : sous la coque à la base d’une patte. Elle se laissa tomber au sol, puis atteignit le pilier par de rapides bonds. Attendre que le filin descende et remonte avec elle lui parut durer une éternité. Une fois en haut elle se glissa dans le renfoncement formé par l’articulation du membre géant. Là, elle s’arrima à l’aide de câbles.

Puis ce fut l’attente. Son cœur battait lourdement charriant violemment le sang aux extrémités de ses doigts et orteils. Un bourdonnement semblait sur le point de faire éclater ses oreilles. Tout le corps de la jeune femme était crispé, en position fœtale, poings serrés, paupières fermées. Son esprit voletait comme un oiseau affolé. Son cerveau refusait de la laisser un instant en paix pour ne pas regarder la mort arriver. Rien ne se passa. Combien de temps s’écoulait-il ? La jeune femme ne savait plus. Le barrage de son esprit menaçait de céder, la panique prête à sauter sur sa proie.

Quand le réacteur explosa, Aphéa ne vit, ni ne sentit rien. Elle s’évanouit. Son esprit refit surface en suivant le fil salvateur tendu par la voix d’Hoarau. D’abord lointaine et bourdonnante, elle gagna en netteté jusqu’à claironner.

– Aphéa ! Revenez à vous. Il faut vous réveiller.

La jeune femme poussa un grognement accueilli par les syllabes de soulagement de la capitaine. Péniblement, elle ouvrit les yeux et découvrit avec horreur qu’il ne restait que 26 minutes avant l’arrivée du soleil. Hoarau annonça :

– Votre combinaison va vous administrer un traitement d’urgence.

Aphéa marmonna, incapable d’articuler. Elle pianota une commande sur le clavier incrusté dans le bras de sa combinaison. La capitaine intervint :

– L’ordinateur me dit que vous venez de stopper le protocole médical.

D’une voix roque, la jeune femme réussit à souffler.

– Le traitement d’urgence inclus de forts sédatifs. Je n’en veux pas tant que je n’ai pas fini le travail. Ça me ralentirait. Nous avons déjà perdu trop de temps.

Aphéa avait détaché tous les câbles. Hoarau voulut protester :

– Mais…

– Commandez une injection sans aucun produit pouvant altérer ma concentration.

– Les premiers symptômes peuvent être très douloureux.

– Faites ce que je vous dis !

– Bien. Bien. Mais dès que vous aurez fini, je vous administre une dose de cheval.

Aphéa était déjà au sol et attendait le câble 8B, secteur 12. Pendant la remontée, elle frissonna quand la drogue envahit son corps, onde de fraîcheur éphémère. De retour là-haut, elle replongea avidement dans le travail bercé par le Requiem du grand Mozart. Elle accueillit l’état de transe avec soulagement. Elle ne voulait pas penser, pas tout de suite.


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